Céline LORENZI

Nous avons voulu chanter les Cap-Corsins des siècles précédents qui ont émigré au Venezuela et dans toute l’Amérique latine à la recherche d’une vie moins rude. Certains sont revenus, d’autres ont fait souche là-bas, et les familles -d’ici comme de là-bas-, ainsi déchirées entre deux identités, ont vécu et vivent dans leur chair la blessure douloureuse mais féconde d’une terre qui est en même temps ancestrale et lieu d’exil. Si nos travaux s’articulent autour de nos arrière-grands-parents -lui, né ici et parti là-bas, elle, née là-bas puis revenue sur l’île avec lui-, notre démarche est bien plus large et inclut à travers eux tous les Insulaires qui ont partagé ce destin.

« L’Or du vent » est donc le fruit de notre travail d’orpailleuses dans la mémoire familiale, mais aussi dans celle du Cap-Corse et des nombreuses familles concernées par la diaspora sud-américaine.

Nous y avons trouvé des pépites, des moments fulgurants, que nous avons cherché à transcrire sous une double forme : la toile de jute, aux dimensions de fresque, âprement imprégnée par les couleurs éclatantes, a figé le poème du passé dans la flamboyance d’un présent agissant puissamment sur nous ; réciproquement, les poèmes, imprimés sur papier William Turner et encadrés, jouent à prendre des airs de tableaux.

Car nous avons aussi été des fileuses, et nos fils se sont sans cesse entrecroisés, les peintures inspirant les textes, la poésie nourrissant les tableaux. De même, chacune au sein de son œuvre propre, tisse un contrepoint constant entre l’ici et l’ailleurs, la terre et l’exil -sans cesse inversés-, croise les fils de ses souvenirs -unis aux propos recueillis, aux anecdotes transmises-, avec les fils des pages d’histoire lues sur le Cap-Corse et des récits que d’autres familles ont pu confier au public.

De ces tissages multiples est né un morceau d’étoffe, une bannière, que nous espérons légère, chatoyante, agitée par les frissons de l’or du vent, et qui permette de se souvenir pour mieux continuer le chemin.

Céline Lorenzi

Daphné Battistini