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                                                         LES BILLETS ARTISTIQUES 

 

Depuis l’ouverture de la Galerie Noir et Blanc en mai 2018, de nombreux écrivains ont assumé la tâche difficile de présenter nos expositions. Ils le font la plupart du temps sans avoir vu les expositions, à l'aveugle, de loin, sur photos, un défi qu'ils relèvent à chaque fois avec superbe.

Les plasticiens et leurs œuvres, transcendés par leurs mots rivaux, en sortent magnifiés.

Cette nouvelle page nous permet de regrouper ces billets artistiques qu’ils nous offrent ...  et nous ont offerts.
Nous les remercions de cette expérience inattendue et délicieuse à laquelle leur talent nous donne accès depuis six ans.

Par ordre alphabétique, les noms de celles et ceux qui ont écrit pour les expositions de la Galerie :  Sylvie Béard, Antoine Belloni, Michel Bourhis-Massoni, André Casabianca, Robert Colonna d’Istria, Michèle Corrotti, Jean-Charles Costa, Denis Filippi,

Nadia Galy, Jean-Pierre Girolami, Ange-Mathieu Mezzadri, Thierry Ottaviani,

Jean-François Bernardini, Philippe Peretti.

Aujourd’hui, ils sont six qui écriront en principe chacun deux textes par an :

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ANGE-LAURENT BINDI

MICHEL BOURHIS-MASSONI

ANGE-MATHIEU MEZZADRI   

DENIS FILIPPI

Le banquet des Phéaciens

Mazzera 3.0 chez KDP.

JACQUES FUSINA 

-The Corsican language in primary education (Pays Bas, 1988)
-Contrapuntu (poèmes et chansons, ill. par Peter Berger, livre d'art, La Marge, 1989)
-Prose Elzevire (La Marge, 1989)
-L'enseignement du corse(Ajaccio, Sq.Finusellu et Université, 1994)
-Versu cantarecciu (chansons, Albiana, 1996)
-Pinochju (trad. de C.Collodi, Sammarcelli, 2001)
-Histoire de l'Ecole en Corse(Albiana, dir.2003)
-Retour sur images (poèmes, Sammarcelli, 2005)
-Sampiero Corso (livret d'opéra musique de Henri Tomasi, créé à Marseille, Actes sud, 2005)
-Ecrire en corse (Paris, Klincsieck, 2010)

-Parlons corse

-Le petit soldat

-E sette chjappelle

THIERRY OTTAVIANI

- Maupassant et la Corse, Paris, Éditions Maïa, juillet 2021 (ISBN 979-10-95883-90-6

- Les Corses qui ont fait la Corse, avec les illustrations de Philippe Lorin, Paris, Éditions Maïa, octobre 2019 (ISBN 978-2-37916-759-1)

-Nietzsche et la Corse, Paris, Éditions Maïa, janvier 2018 (ISBN 979-10-95883-90-6)

-Chien de sang, roman, Paris, Éditions Maïa, juin 2017 (ISBN 979-10-95883-44-9)

-La Corse pour les Nuls Poche, Paris, Éditions First, coll. " Pour les Nuls ", mai 2016 (ISBN 978-2-7540-8503-8)

- La Corse des écrivains, Paris, Éditions Alexandrines, mars 2013 (ISBN 978-2-912319-73-9)

- La Corse pour les Nuls, Paris, Éditions First, coll. " Pour les Nuls ", mai 2010 (ISBN 978-2-7540-1546-2)

Ces billets artistiques sont ouverts aux écrivains qui  souhaitent présenter les expositions.

FEVRIER 2023

ANDRE CASABIANCA

Les tableaux de Solange GALAZZO se caractérisent par un univers immensément coloré où l’espace ressemble à une scène, un théâtre de lumières vives et signifiantes. Elle propose ou plus exactement elle offre des surprises, des étrangetés fictionnelles et l’on se régale d’autant de rythmes et d’images au-delà du réel où l’imaginaire prend toute sa place. Le spectateur est invité à se laisser surprendre lors des escales où des nuées d’animaux correspondent, dans des couleurs d’une grande densité. Vous serez enchanté de ces images surréalisantes et allégoriques. Une artiste à l’imagination extraordinaire, à la démarche humaine et poétique, et qui offre au spectateur un espace solaire.

Dans le parcours de Béatrice Castoriano on retrouve toutes ses intentions visuelles : les lignes, les couleurs, les limites, la lumière, la vitalité des paysages. Cela donne des sensations et des émotions franches … et du plaisir. Ses paysages séduisent, enveloppent, donnent une joie de vivre. Il y a dynamisme et harmonie dans chacune de ses œuvres. Elle y libère la couleur, dialogue entre les lignes et les volumes, les amenant à se dépasser dans une belle énergie poétique. Elle donne à cette couleur un pouvoir, une liberté, et c’est pourquoi j’évoquais précédemment le mot plaisir.

La peinture de Mike Rossi est totémique. Elle navigue entre les forces du néo expressionnisme et de l’expressionnisme psychédélique. On entre dans une sorte d’au-delà terrestre, une quête d’étrangeté, en face-à-face plein cadre avec des craintes et des visages renversants et renversés, exécutés en urgence et dans une mise en danger. La démarche est passionnante et dégage une puissante expressivité. Ses peintures ont un air romantique. Romantisme futuriste et excitant, cru ou cruel. Tout est en mouvement, les lignes, les objets, les thèmes. D’une expression éruptive, la création de Mike Rossi est hors-sol.

Avec Patrick Vandenheuvel , l’Humanité est là, devant nous. Ces visages, ces corps et leurs attitudes, en groupes, en couples ou solitaires, émettent des vibrations et un dialogue d’une grande franchise. Le sculpteur dit admirer Giacometti et Lucian Freud. Cette parenté, ces univers croisés sont la clé de ses personnages. Une sculpture qui est image mouvante, souffrante : on ne s’intéresse plus aux proportions, mais aux ondes transmises. Il est important de dépasser les corps sculptés, leur regard, leurs dimensions, présents face à nous. Partageons donc leurs vies, leurs existences, regardeurs que nous sommes, et faisons un bout de chemin à leur côté. Tout à coup on se sent touché au cœur. On quitte le monde des apparences et du mensonge pour entrer dans celui de la vérité. 

 

André Casabianca, Ex-journaliste Grand Reporter - FR3 Corse.

Peintre et auteur de :  Tremblant moi   et   A mon corps défendant ..

JUIN 2023

JACQUES FUSINA

ZACCHI A LA GALERIE NOIR ET BLANC  

FRANCETTE ORSONI et l’Italienne SUSI ROSSINI

Ce qui frappe d’abord chez Jean-Marie Zacchi, c’est cette manière d’hésitation oscillant entre le geste figuratif et l’abstraction qui l’enveloppe sans imposer de choix définitif, comme si une timidité, voire une pudeur ancienne, demeuraient en lui d’une enfance villageoise que nombre d’insulaires ont également connue. Et cet aspect du tempérament de l’artiste nous interroge comme observateurs d’une telle réussite internationale : quels chemins furent donc suivis pour intégrer l’originalité remarquée par la critique à cette personnalité picturale ? En mariant habilement l’abondance d’une production, ses répétitions insistantes sans réelle reproduction, ses dominantes de couleurs et de formes comme expression d’une fidélité jamais trahie malgré voyages et rencontres, horizons renouvelés et traces profondes. Plutôt que de tenter d’approfondir ces impressions premières sur tel ou tel tableau en particulier, ce sont les reprises thématiques de sujets, paysages arborés, nature familière, bouquets, retours insistants de ces bleus nuancés de la douceur souriante du pinceau, qui nous parlent comme s’il s’agissait de complicité ancienne venue d’un vécu jamais oublié. Nous nous dirons que l’inattendu de cette recherche esthétique passe peut-être par les mots amuïs au profit d’un dire pictural qui exprime bien mieux ses émotions profondes et sa tension vers une sérénité culturelle assumée. Nous aurons l’autorisation de l’artiste lui-même puisqu’il confie  ‘vouloir laisser au public « la liberté d’imaginer, d’inventer, de se projeter, d’interpréter et de rêver ! ‘ ce qui est le point de vue de tout poète à propos de chaque lecture de son œuvre. Francette Orsoni s’adresse d’abord aux enfants parce qu’elle sait que le conte est la forme la plus simple et sans doute une des plus anciennes de récit littéraire, né de l’oralité première et venu à nous, enfants, avant même la lecture. Son efficacité lui vient de cette communication immédiate qu’il parvient à instaurer entre auteur et lecteur, auditeur, ou observateur de ses représentations graphiques. Les lois de ce genre sont exigeantes parce qu’elles sont à la fois le cadre sévère où s’inscrit un effort et le réceptacle un peu magique de cette force productive. Une construction ténue, à la fois parabole et apologue, est assurément une invite au voyage, c’est-à-dire la raison d’être de tout conte. Avec Susi Rossini nous avons affaire à de la photographie, art qu’elle pratique depuis son plus jeune âge et que des études et autres voyages et découvertes, lui ont permis d’affirmer comme moyen d’expression privilégié. Le sujet de l’eau, de la mer et des ports constitue ici l’élément essentiel des compositions : surfaces ondoyantes, vagues de mousse et d’écume, reflets changeants, jeu sur les couleurs lumineuses et sur leurs échos multipliés…Ici ou là cependant, tel objet plus fermement désigné, plante son détail particulier sur les fonds aqueux de l’image, comme s’il voulait libérer d’un ensemble plus commun un instant d’émotion de son regard poétique.

JUIN -JUILLET

JACQUES FUSINA

Pierre BARAT  MURATU

 

Il est des lieux touchés par la grâce. Ce petit plateau au-dessus de la vallée du Bevincu pourrait être aussi bien chez lui en Italie ou en Grèce et dominer ainsi sereinement le même paysage maritime méditerranéen. Car le temps semble s'y être miraculeusement arrêté et y avoir figé la mollesse des collines, la douceur des pâturages, la trace ancienne des aires à blé, comme si rien, ou presque, n'avait changé depuis l'an mil et ses aurores pisanes.

 

Puis il y a le joyau délicat, posé là comme par jeu, ou le sublime divertissement de quelque architecte rêveur, de quelque maçon facétieux, ceux qui procédèrent à cette "installation" avant la lettre pour le plaisir devinė de la postérité des hommes. Quelle fantaisie inspirée dut en effet les habiter pour marier ainsi les couleurs de la serpentine de rivière et du calcaire friable, le camaïeu des verts et la blancheur niellée dans ce damier magique ? Quel enthousiasme anima leur burin ciseleur autour des pierres tendres pour que prennent forme archivoltes et cordelières, rinceaux et entrelacs, consoles et modillons, et pour que cette profusion technique n'efface pas leur poésie subtile ?

 

Si vous n'avez pas la chance d'aller voir sur place les lieux, visitez alors l'exposition de Pierre Barat à Bastia car je pourrais tout autant poursuivre mes questionnements initiaux par le travail délicat du peintre qui a su magistralement affronter la beauté médiévale par une série remarquable de tableaux.

 

Par le choix hardi de son sujet comme par les angles qui ont particulièrement attiré son regard, il a su comme par un de ces miracles que réalise parfois l'art pictural, faire revivre non seulement le décor où l'on a posé ce merveilleux monument mais reconstituer pour ainsi dire chacune des pièces de ce fabuleux montage, la modulation harmonieuse des pierres, leur disposition originale, leur forme et leur couleur changeante. Un impossible défi en quelque sorte que l'artiste a pourtant réussi en accentuant les effets visuels avec une habileté rare qui fait renaître et resplendir sous nos yeux la chapelle Saint-Michel de Muratu dans sa splendide simplicité romane.

JUILLET 2023

ANGE-LAURENT BINDI

 

C’est dans une exposition de ce genre que l’on se rend compte que même lorsque les expressions se rapprochent, néanmoins les compréhensions se renouvèlent, tant chez les artistes que dans les productions des courants auxquels ils pourraient appartenir.

A la vue des œuvres présentées, quelque chose s'impose avant tout et c’est, dans le travail de Marc Le Dizet, le côté étroit, effilé, exclusif de la composition, élaborée comme pour elle-même.

Alain Olivieri, quant à lui , annonce dans le sombre la réduction maximale du corps …

Et puis, pour compléter, la peinture et la photographie.

En l'occurrence, il faudrait se demander si la photographie n'est pas le complément indispensable aujourd'hui de la peinture ? Allant plus loin, la photographie serait-elle totale sans la mer de Tony Viacara comme interlocutrice … voire comme complice ? Les réponses sont peut-être données par la couleur noire, faisant retour, avec son côté presque obligatoire, impératif, dans un photographique redémarrant encore avec Julie Pontaut …

Tout doit se revoir… Allons-y !

AOUT SEPTEMBRE 2023

THIERRY OTTAVIANI

« L’art comme des masques », 

 

Les masques primitifs peuvent se dévoiler en plusieurs fois pour laisser apercevoir un premier, un deuxième, voire un troisième visage*. L’art fonctionne de la même façon selon un principe de dévoilement progressif. Il faut émonder l’œuvre comme une amande pour découvrir les couches les plus enfouies et secrètes. Tel un théâtre de l’altérité, les sculptures de Christian Davide, exposées ce mois-ci à la galerie Noir et Blanc sont, elles aussi, des masques. Personnes muettes et donc mystérieuses, elles nous renvoient à une énigme, une parole artistique laissée dans sa profondeur naïve et primitive. Une énigme, car nous sommes néophytes face à la création brute de l’artiste. C’est pourquoi, dans ce moment d’incompréhension, les visages expriment véhémence, effroi, mais aussi rire et dérision. Il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir et à contempler.

Dans cette première rencontre, l’œuvre doit être patiemment regardée afin d’en pénétrer les arcanes. Les moyens utilisés par les trois autres artistes exposés sont les formes abstraites et les couleurs. Rien d’extérieur n’est représenté, il n’y a que la toile et nous. L’œuvre est comme un masque qui donne à voir tout en cachant autre chose. Son apparence physique peut faire écran si nous ne découvrions les couches, une par une, pour en deviner la vie profonde et intérieure. La toile est contemplée avec attention. Elle produit des impressions contingentes de paysages naturels, de terre, de minéraux, puis arrivent les sensations et les émotions qui touchent l’âme. Il en va ainsi des tableaux de François Husson. Derrière l’espace extérieur, les formes et les couleurs subtiles se dévoilent, s’accordent jusqu’à exprimer une personnalité propre, unique. « La peinture est un pont jeté entre les âmes », une formule de Delacroix qu’aime rappeler l’artiste. Dans les peintures d’Anto Tomasini, les couleurs vives sont d’abord perçues. Elles frappent le regard en premier, puis viennent les taches plus sombres ou plus neutres, les nuances discrètes et les détails. L’esprit de l’œuvre, voire de son auteur, se révèle avec le temps, dans sa complexité. Les couches se montrent peu à peu, comme autant de résonances différentes, qui transparaissent, toujours plus intérieures et primitives. Les couleurs interagissent progressivement dans cette contemplation. Sur les toiles de Volkmar Ernst, les lignes jaunes rayonnent et le bleu nous attire, nous fait plonger. Les rouges et les noirs communiquent sur la même palette, alors que des couches de peinture plus légères se font jour. Selon le principe de la nécessité intérieure cher à Kandinsky, « toute chose extérieure renfermant cependant nécessairement un élément intérieur », derrière les contingences, l’âme de l’œuvre se manifeste sous ses différents masques, mouvements, comme autant de personnalités, d’émotions et d’accords mystérieux qui retentissent en nous.

Thierry Ottaviani

*Claude Lévi-Strauss, La Voie des masques.

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